Les associations sont devenues essentielles aux politiques sociales de l’État mais elles doivent faire face à des défis croissants.

Face à l’intensification des inégalités, au besoin croissant d’accompagnement de bénéficiaires et à une masse d’informations qui devient de plus en plus complexe à gérer, il est nécessaire de créer une politique publique qui encourage l’innovation.

Avec 45% de financements publics, la concurrence pour l’obtention de ces subventions s’intensifie, avec des financeurs de plus en plus exigeants en ce qui concerne le retour sur investissement social (SROI).

Alors que les citoyens et les entreprises ont intégré le numérique dans leurs quotidiens (FranceConnect, Mon espace santé…), les organismes publics et les acteurs de la philanthropie et du secteur non lucratif n’ont pas encore effectué cette transition vers le numérique. Cette évolution se révèle cruciale pour relever les défis actuels et futurs dans le domaine associatif.

La succession des crises sanitaire, économique, sociale et climatique ont par ailleurs contraint les associations à se numériser de manière contrainte et forcée. 

 

Malgré les stratégies gouvernementales comme 1jeune1solution (Mentorat…) ou le 4ème Programme d’Investissements d’Avenir visant à répondre à ces enjeux, le secteur associatif est confronté à un défi majeur : celui d’industrialiser ses meilleures pratiques et de s’organiser pour s’adapter à grande échelle. 

 

Plusieurs obstacles empêchent les associations de revoir leurs pratiques organisationnelles et d’investir dans le numérique. Le manque d’accompagnement et d’outils adaptés, ainsi que les financements qui mettent l’accent sur le bénéficiaire au détriment des outils pour les accompagner, en font partie. Dans ce contexte, les financeurs ont un rôle clé à jouer : il est essentiel de mettre en place des mesures incitatives et des dispositifs d’aide pour encourager les associations à investir dans leur transition numérique.

En soutenant le secteur associatif, nous leur permettons de continuer à jouer un rôle essentiel dans l’amélioration des politiques sociales et de déployer leur potentiel et d’amplifier leur action.

Nos constats

  • Les pratiques organisationnelles
    La standardisation des pratiques et l’inflation réglementaire contraignent les acteurs de l’ESS à adapter leur organisation, souvent éclectique. Cette adaptation implique notamment de faire preuve d’agilité, de mettre en place des mesures de résultats ou d’entrer en concurrence avec d’autres associations.

    Nous soulignons l’importance d’harmoniser les modes organisationnels pour accompagner un nombre croissant de bénéficiaires.

    Cependant, certaines organisations de l’ESS ont des réticences vis-à-vis de cette approche, craignant que l’harmonisation et la numérisation des pratiques ne les éloignent de leur mission première et de leur attachement aux territoires et les rapprochent trop du monde des entreprises traditionnelles.

    Pourtant, il est crucial que le numérique et l’agilité soient placés au cœur de la stratégie et cette transformation doit s’opérer à toutes les strates en étant portée par la direction jusqu’aux équipes terrain.

    De plus, le manque de coordination autour des meilleures pratiques entre les acteurs du secteur conduit à une multiplication des modèles de données pour la gestion de leurs programmes, créant ainsi une complexité et des coûts élevés pour s’améliorer en continue, pour générer des rapports pour les financeurs et mesurer l’impact des programmes.

    En fin de compte, nous observons un décalage entre les indicateurs d’impact demandés par les financeurs et la réalité des actions menées sur le terrain.

  • Les outils numériques
    Le numérique a considérablement amélioré l’efficacité des organisations du secteur privé au cours des dernières décennies.

    Le secteur associatif tarde à effectuer cette transition numérique : les solutions numériques complètement adaptés à ses enjeux sont inexistants, forçant les acteurs à engager des développements spécifiques coûteux et risqués ou à utiliser des outils conçus pour le secteur privé ; ce qui entrave le partage d’expériences et la co-construction de communs numériques.

    Il existe donc deux approches pour les organisations audacieuses qui se lancent malgré tout dans cette voie :

    > Développer un système d’information interne :
    Souvent en manque de culture digitale, les associations s’engagent dans des projets nécessitant des coûts de développement élevé via le recours à des prestataires externes (ESN), difficilement maintenables et évolutifs. Ces démarches limitent la capacité d’innovation du secteur, empêchent la mutualisation des pratiques, des coûts et la création de communs numériques. Par ailleurs, ces projets ne couvrent souvent qu’une partie de l’accompagnement des bénéficiaires, entrainant de nouvelles complexités.

    > Opter pour un outil conçu pour les besoins des entreprises traditionnelles avec une approche tournée vers le « solutionnisme numérique » :
    Cette décision entraîne l’utilisation d’outils qui sont fondamentalement inadaptés aux pratiques organisationnelles et à la mission du secteur associatif (exemple : utilisation d’un CRM qui traite des données commerciales). 

    Ces phénomènes créés un cercle vicieux où l’absence d’outils appropriés génère une multiplicité de projets numériques aux résultats peu probants, renforçant ainsi l’idée que le numérique et le monde associatif ne peuvent se rapprocher.

    Pourtant, lorsque le numérique est utilisé pour faciliter la gestion et le traitement d’un volume important d’informations dans le seul but de libérer du temps pour l’action.
  • Le financement de la transition
    La transition organisationnelle et numérique des associations requiert un accompagnement pour leur permettre de monter en compétences et un soutien financier adéquat. 

    La plupart des appels à projets émanant de fondations ou de l’État se concentrent sur la maximisation du nombre de bénéficiaires à accompagner, laissant peu de place à la recherche et au développement. Les investissements technologiques sont souvent masqués dans les coûts de fonctionnement, rendant difficile l’obtention de financements spécifiques pour les projets numériques. 

    Par ailleurs, les financements dédiés aux projets numériques sont difficiles à obtenir. La majorité des subventions sont destinées à lutter contre l’exclusion numérique des usagers et à soutenir l’innovation au sein des start-up, laissant ainsi les dispositifs pour encourager la numérisation et la structuration des corps intermédiaires, tels que les associations et les acteurs publics, quasiment inexistants.

    La dépendance des associations aux subventions publiques et à l’accroissement de la part des financements privés rend leur modèle économique rigide et fragile. Cela limite leur capacité à s’adapter et à innover face aux défis croissants auxquels elles font face.

Nos propositions

Face à ces constats, nous présentons des propositions visant à encourager l’innovation au sein du secteur associatif et à faciliter l’accès aux outils numériques pour leur permettre de changer d’échelle et d’accélérer leur impact social :  

  • Proposition 1 – Faire émerger des coopérations d’intérêts :
    Recenser les enjeux des acteurs de l’ESS et converger vers des pratiques numériques et organisationnelles communes. Cela impliquerait de cartographier leurs enjeux en fonction de leurs domaines d’actions (insertion, maraudes sociales, accompagnement de bénévoles, etc.), de coconstruire un modèle de données commun, de définir, automatiser et co-financer des standards fonctionnels communs en vue de déployer et mesurer l’impact des programmes d’engagement. Cela faciliterait ainsi l’amélioration continue, la génération de rapports pour les financeurs et la mesure de l’impact.
  • Proposition 2 – Encourager le financement de l’innovation au sein des associations :
    Cette mesure pourrait impliquer la mise en place de dispositifs incitatifs du côté des fondations ou des fonds de dotation, ainsi que des dispositifs portés par l’État français, tels qu’une franchise de TVA, des aides à l’innovation et/ou la mobilisation de la dette bancaire.
    Tandis que les entreprises traditionnelles bénéficient du Crédit d’impôt recherche (CIR), d’exonérations de TVA, en plus de mécanismes bancaires facilitant le financement de leurs activités de recherche et développement, les associations sont souvent confrontées à des obstacles financiers.
  • Proposition 3 – Accompagner le changement pour intégrer le numérique à la stratégie :
    Diagnostiquer et former le secteur associatif aux opportunités du numérique en matière de pratiques organisationnelles. Une attention particulière serait portée aux dirigeants d’associations pour les accompagner dans l’appréhension de ces opportunités.
  • Proposition 4 – Aider à l’émergence de solutions numériques permettant d’aboutir à un dossier bénéficiaire unique :
    Soutenir les initiatives portées par les acteurs qui répondent aux enjeux des associations et de l’État français, en lançant un appel à projet dédié à la transition numérique et organisationnelle du secteur. Avec l’ambition de créer un dossier bénéficiaire unique rassemblant l’ensemble des informations qui concernent le bénéficiaire, lequel bénéficie du droit de consulter son dossier. Il permettrait de concevoir, conduire et évaluer les actions menées par les associations au regard du projet de vie du bénéficiaire et de redonner les moyens à l’Etat de s’impliquer dans leur suivi.

En adoptant ces propositions, nous pouvons soutenir le secteur associatif dans sa transition numérique et organisationnelle, renforçant ainsi son rôle essentiel dans l’amélioration des politiques sociales et son potentiel pour le bien-être de tous.